S’il vous plaît, arrêtez de m’envoyer vos photos de vacances
J’ai envie de publier un billet d’humeur comme il se doit. Parce que oui : si le partage de photos est attendrissant, s’il part d’une bonne intention, j’avoue qu’il me tape aussi sur les nerfs. Certains me reprocheront d’être de mauvaise foi ou d’exagérer. C’est ainsi. Donner un avis, c’est aussi trancher. Même si je veux bien garder un peu de nuance
Aujourd’hui, j’ai juste envie d’expliquer ce que je n’aime pas dans le principe de recevoir des photos de vacances quand je n’ai pas demandé des nouvelles de la personne explicitement.
L’envoi des photos : des réseaux sociaux aux « groupes privés »
Il fut un temps où les photos étaient partagées sur des réseaux sociaux « ouverts » : Facebook, Instagram…
Il l’est sûrement encore, mais n’y voyant pas forcément d’intérêt à voir les photos sur ces réseaux sociaux, d’autant plus qu’elles pouvaient concerner des gens avec qui je n’étais pas très proche,j’ai désinstallé mon compte sur Instagram et je ne vais plus sur Facebook(sauf pour connaître l’actualité des groupes de Bristol).
Je pensais avoir la paix. C’était sans compter les groupes privés sur WhatsApp ou les albums photos partagés de Google.
Ca ne veut pas dire que l’audience n’est pas tout aussi large.
Mais ça veut dire que désormais, je suis censée avoir téléchargé toutes les photos ou vidéos ou être allé sur le lien Google, être au courant des pérégrinations de chacun et me souvenir de ce que les gens ont fait.
Alors que les réseaux sociaux dits ouverts comme Facebook ou Instagram nécessitaient d’aller sur le site ou l’application, désormais, les photos arrivent directement dans les applications de messagerie.
Ce que je n’aime pas
J’aime écouter les histoires de vacances de mes amis, et j’aime regarder leurs photos de vacances quand ils en parlent, c’est plus facile de suivre. Et j’aime m’enthousiasmer aux récits de leurs voyages. J’aime aussi recevoir leurs impressions de voyages.
Ce que je n’aime pas, c’est :
- Recevoir des photos tous les jours du voyage : c’est peut-être un peu trop, non ?
- Recevoir des photos sans commentaire : je ne sais même pas où les gens sont ou pourquoi la photo que je reçois a été prise
- Savoir ce que les gens mangent ou boivent: de base, ça ne m’intéresse pas
Ce n’est pas grand-chose en soi…
Je n’ai pas de problème à ce qu’on ait besoin de partager son enthousiasme. Et je sais qu’on attend de moi « seulement » une validation écrite montrant que j’ai bien vu la photo. De fait, le geste n’est pas très difficile. Faire un commentaire montrant que j’aime la photo ne prend qu’une dizaine de secondes.
Et finalement, je peux comprendre ce besoin social d’attention (qui peut jeter la pierre à des gens pour être humains ?), même si je ne le cautionne pas forcément. Principalement parce que j’ai l’impression qu’on est dans une société de dépendance émotionnelle.
Mais soit. Je reconnais que recevoir une photo peut être considérée comme anodine.
…Mais pourquoi je n’aime quand même pas ça
Une comparaison sociale
Il fut une époque où le classement social se faisait à travers les biens matériels qu’on choisissait : les vêtements, la voiture etc. Depuis plusieurs années, nous sommes passés de la société de consommation à une société de loisirs. Et nos loisirs (en particulier nos voyages) sont désormais des choix sociaux. La question qui se pose désormais est ce que peut signifier une image de vacances qu’on envoie.
J’avais un prof de philo en prépa qui disait que quand il voyait une décapotable rouge, il avait envie de cracher à la figure du conducteur. L’image était un peu forte mais l’explication était claire : celui qui a choisi sa décapotable rouge ne l’a pas fait parce qu’il aime les décapotables ou parce qu’il aime le rouge. ]Mais parce qu’il se sent valorisé par rapport à ceux qui n’en n’ont pas]. Il avait fait son choix par rapport au regard de l’autre.
C’est le même mécanisme qui se déploie quand on envoie un image de vacances. On ne raconte pas un vécu d’expérience. On ne raconte pas ce qu’on a apprécié ou ce qui était important. On envoie une photo lisse, dont l’objectif est de créer l’envie ou l’admiration chez celui qui la reçoit. Et finalement, on peut se demander si c’est très sain.
Est-ce que c’est ça, maintenant, donner des nouvelles ?
Je sais que j’entends parfois cet argument : envoyer des photos, c’est vous donner de nos nouvelles.
Mais depuis quand recevoir des photos revient à me donner des nouvelles ?
Le pire c’est que même en me forçant à réagir, mes réactions sont toujours très plates. Je ne sais pas comment répondre, car je ne sais pas de quoi on parle. Je n’ai rien appris en regardant les photos. Elles ont glissé sur moi comme si c’était de l’eau et j’y ai fait attention autant qu’à une publicité de voyage. Le pire, c’est que parfois, certaines personnes m’en reparlent. Et je me sens mal car même en les ayant vues, je ne m’en souviens pas.
Le principe de réciprocité sous-entendu
Comme je le disais plus haut, quand je reçois une photo, je sais qu’on attend de moi une validation écrite montrant que j’ai bien vu la photo et que je l’apprécie.
Et ma première impression par rapport à ce geste est associée à la création d’une « charge mentale » à devoir répondre. Et parfois, je me dis que d’une certaine manière, les personnes qui envoient leurs photos de vacances ne prennent pas en considération la personne qui les reçoit. Parce qu’elle ont un besoin d’attention, elles créent une contrainte aux autres. D’ailleurs, la plupart du temps, elles n’ont pas attendu qu’on leur demande des photos.
D’autre part, le principe de réciprocité sous-entend que les personnes faisant partie d’une conversation doivent également envoyer des photos ou raconter ce qu’elles font. Quand nous étions en voyage en Asie avec Mr Platypus, on nous demandait d’envoyer des photos pendant notre voyage. Là au moins c’était explicite. Cela nous obligeait à décharger les photos de l’appareil photo vers notre portable presque tous les 2-3 jours. Mais personne ne s’était posé la question si notre façon de fonctionner était d’abord de profiter du voyage plutôt que de passer du temps à faire des manipulations entre notre appareil photo et notre téléphone portable.
Conclusion
Au fond, je comprends que les gens aient envie de partager des choses. Je suis peut être juste une petite vieille dans ma tête , coincée dans une époque déjà révolue: pour moi les photos de me nourrissent pas et j’ai besoin de mots pour appréhender une expérience. J’ai besoin qu’on me raconte ce qui était enthousiasmant, et pas seulement une date, un lieu et une photo. J’aime recevoir des nouvelles par mail. Je ne considère pas le partage de photos comme un partage tant qu’il n’est pas accompagné d’écrits.
Après, vous avez aussi le droit de dire que je suis jalouse car je ne pars pas en vacances et que les autres si. Je suis d’accord